La Cour de justice annule partiellement un arrêt du Tribunal rendu dans le cadre de l’affaire des câbles électrique et réduit à la marge l’amende infligée à l’une des entreprises sanctionnées – 14 mai 2020
CJUE, 14 mai 2020, NKT A/S, NKT Verwaltungs GmbH c/ Commission, affaire C-607/18
La Cour de justice, saisie d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt du Tribunal rendu dans l’affaire du cartel des câbles concernant la société NKT et sa filiale NKT Verwaltungs GmbH[1], annule partiellement la décision attaquée et procède à une réduction de l’amende infligée aux requérantes.
Pour rappel, dans une décision du 2 avril 2014, la Commission européenne a sanctionné 26 entreprises pour violation de l’article 101 TFUE et 53 de l’accord sur l’Espace économique européen sur le marché des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et sous-marins. L’entente constitutive d’une infraction unique et continue d’une ampleur quasi mondiale portait sur la répartition des marchés d’appels d’offres de câbles électriques. La Commission a infligé aux entreprises européennes, sud coréennes et japonaises impliquées un montant total d’amende de 302 millions d’euros.
Des entreprises sanctionnées ont sollicité l’annulation et/ou la réformation de la décision devant le Tribunal. Par 15 arrêts du 12 juillet 2018, le Tribunal a rejeté l’ensemble des recours, y compris celui introduit par les requérantes, la société NKT (Danemark) et sa filiale la société NKT Verwaltungs (Allemagne), actives dans la production et la fourniture de câbles électriques souterrains et sous-marins. Ces dernières avaient été sanctionnées au titre de leur participation à l’entente sur la période du 3 juillet 2002 au 17 février 2006 et avaient écopé d’une amende de 3 887 000 euros.
Les sociétés NKT ont par la suite introduit un pourvoi devant la Cour faisant grief au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit. Au soutien de leur recours les requérantes ont invoqué trois moyens tirés d’une :
- erreur de droit dans la définition et l’appréciation de la portée territoriale de l’infraction ;
- erreur de droit dans l’appréciation de la portée de l’infraction ;
- erreur de droit dans l’appréciation du moyen tiré de la violation des droits de la défense des requérantes.
Sur le premier moyen tiré de la méconnaissance de la portée territoriale de l’infraction, les requérantes soulevaient à juste titre que la communication des griefs excluait expressément les activités relatives à des ventes réalisées en dehors de l’Espace économique européen (EEE) du champ d’application territorial de l’infraction reprochée. Or il ressort de la jurisprudence de la Cour et du règlement n°1/2003 que la communication des griefs constitue «
la garantie procédurale » du respect des droits de la défense, de sorte que la Commission ne saurait sans violer ce principe, appliquer à une entreprise une sanction pour des faits qu’elle a préalablement exclus de la notification des griefs. Eu égard à ces éléments, la Cour fait droit au moyen soulevé par les sociétés NKT et relève qu’en fondant sa décision sur des griefs au sujet desquels les requérantes n’ont pas pu faire valoir leurs arguments, la Commission a violé les droits de la défense. Elle ajoute que la jurisprudence selon laquelle la violation des droits de la défense n’est susceptible d’entrainer l’annulation de l’acte attaqué qu’à la condition qu’il soit démontré qu’en l’absence de cette irrégularité la procédure aurait aboutit à un résultat différent n’est pas transposable à l’article 27 du règlement n°1/2003 qui énonce que «
la Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations » (57).
La Cour estime donc que la première branche du premier moyen est fondée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième branches.
Par leur deuxième moyen les requérantes faisaient grief au Tribunal d’avoir confirmé l’appréciation de la Commission aux termes de laquelle elles auraient participé à une infraction unique et continue et auraient bénéficié d’un degré de connaissance suffisant sur les différents aspects de cette infraction. Le moyen porte ici sur la portée matérielle de l’infraction. La Cour va retenir en l’espèce deux erreurs matérielles. D’une part, elle reconnait que le Tribunal a commis une erreur en validant l’approche de la Commission qui a retenu «
la responsabilité des requérantes pour le refus collectif de fournir des accessoires et une assistance technique à des concurrents ne participant pas à l’entente, sans avoir démontré qu’elles en avaient eu connaissance ou auraient pu raisonnablement le prévoir » (169). D’autre part, la Cour estime que le Tribunal a également commis une erreur de droit en se fondant sur un élément non probant afin de retenir la participation des requérantes à une infraction antérieure au 22 novembre 2002 et a partant porté atteinte à la présomption d’innocence (235 et s.).
Enfin en ce qui concerne le troisième moyen tiré de la violation des droits de la défense, la Cour rejette l’ensemble des branches dès lors que le droit à un accès complet et automatique aux réponses des entreprises concurrentes à la communication des griefs ne constitue pas un droit dont les requérantes pourraient se prévaloir.
A l’issue de l’examen de l’ensemble des moyens invoqués, la Cour a annulé partiellement la décision du Tribunal et en application de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, a statué définitivement sur le litige. La Cour a par conséquent décidé de réduire «
l’amende infligée aux requérantes d’un montant de 200 000 euros et de ramener le montant de cette amende à 3 687 000 euros » (306).
[1] Trib. UE, 12 juillet 2018, NKT A/S, NKT Verwaltungs GmbH c/ Commission, affaire T-447/14
Auteur :
Lucie MARCHAL