La Commission européenne consulte les parties intéressées sur l’actualisation des règles de droit de la concurrence – 2 juin 2020
Commission européenne, communiqué de presse, 2 juin 2020, IP/20/977
Consultation publique relative au nouvel outil en matière de concurrence
Consultation publique relative à un instrument de régulation ex ante des très grandes plateformes en ligne jouant le rôle de contrôleurs d’accès («gatekeepers»)
Dans le contexte de crise actuel, les discussions sur la réforme de la politique de concurrence n’ont pas tardé à refaire surface. Dans une déclaration commune du 18 mai 2020, le Président Macron et la Chancelière Merkel ont appelé à «
moderniser la politique européenne de concurrence en accélérant l’adaptation […] des règles de concurrence »
1.
La Commission européenne qui avait annoncé avoir entamé une réflexion sur l’évolution des règles de droit de la concurrence dès 2019, a publié le 2 juin 2020, une étude d’impact initiale et une consultation publique sur la nécessité d’adapter les règles existantes afin de remédier à certains problèmes de concurrence.
Le constat d’une évolution importante des marchés en raison des défis numériques, écologiques et de mondialisation justifie, selon la Commissaire Vestager, que «
les règles de concurrence soient adaptées à de tels changements »
2.
Si les règles actuelles doivent, selon la Commission, être maintenues et faire l’objet d’une mise en œuvre rigoureuse, il n’en demeure pas moins que de nouveaux outils peuvent s’avérer nécessaires notamment sur les marchés numériques. La Commission propose essentiellement deux adaptations:
- Une
règlementation ex ante des grandes plateformes, incluant des règles spécifiques pour celles qui bénéficient d’effets de réseaux et de capacités de verrouillage du marché (« gatekeepers ») ;
- Un
nouvel outil permettant de remédier aux problèmes structurels de concurrence.
En ce qui concerne le projet d’adoption d’une règlementation ex ante, l’idée est de permettre la mise en œuvre d’un nouveau cadre règlementaire à destination des grandes plateformes numériques, notamment les gatekeepers, soit par l’établissement d’une liste de pratiques prohibées assortie de certaines règles de fond, soit de manière cumulée, par la création de remèdes spécifiques afin de résoudre les problèmes de concurrence soulevés par ces acteurs en s’inspirant éventuellement des règles adoptées dans le secteur des télécommunications.
Ces mesures cibleraient en priorité les plateformes qui bénéficient d’effets de réseaux et/ou de capacités de verrouiller l’accès au marché. En ce sens, un lien peut être établi entre cette proposition et les débats qui interrogent sur la qualification de certaines plateformes numériques de facilités essentielles. On se souvient pourtant que la Commissaire Vestager avait écarté cette hypothèse, indiquant que la Commission ne changerait pas de doctrine en ce qui concerne l’application de cette théorie aux plateformes numériques en position dominante
3.
S’agissant du nouvel outil destiné à lutter contre les problèmes structurels de concurrence, l’idée est de palier les lacunes des règles actuelles qui soit ne peuvent résoudre soit ne peuvent résoudre de manière effective ces problèmes. La notion de problèmes structurels de concurrence renvoie à deux situations :
-
Les risques structurels pour la concurrence : situation dans laquelle certaines caractéristiques du marché combinées avec le comportement de certaines entreprises sur ce marché créent une menace pour la concurrence. Selon la Commission, ce risque peut découler de la «
création de puissants acteurs sur le marché qui jouissent d'une position bien ancrée et/ou de contrôleur d'accès sur le marché qu'il serait possible d'empêcher grâce à une intervention rapide »
4;
-
L’absence structurelle de concurrence : il s’agit de certaines structures de marché qui affichent des défaillances systémiques néfastes pour la concurrence «
même en l’absence de pratiques anticoncurrentielles »
5. Ces défaillances sont de plusieurs types : concentration élevée, fortes barrières à l’entrée, verrouillage des consommateurs, manque d’accès aux données, structures oligopolistiques, etc.
Pour l’adoption de ce nouvel outil, la Commission envisage quatre options. Une fois les problèmes structurels de marché identifiés, la Commission pourrait ainsi soit :
1. Imposer à l’égard de certains acteurs dominants, sans constat d’une infraction ou d’un abus au droit de la concurrence, des remèdes comportementaux voire structurels, de manière préventive ;
2. Mettre en place l’outil décrit au point précédent en direction des seuls acteurs du numérique ou d’autres secteurs présentant des risques élevés d’atteinte à la concurrence ;
3. Imposer des remèdes comportementaux ou structurels à tout acteur, sans qu’il soit nécessairement en position dominante, lorsqu’existe un risque structurel qui empêche le bon fonctionnement du marché intérieur ;
4. Adopter un mécanisme identique à l’option 3 mais pour les seuls acteurs du numérique.
L’étude d’impact initiale était soumise à consultation publique jusqu’au 30 juin, les projets de réglementation ex ante et d’outil de régulation sont ouverts à la consultation publique jusqu’au 8 septembre 2020.
La Commission européenne envisage d’adapter les règles de concurrence d’ici à la fin de l’année 2020.
1 Elysée, Initiative franco-allemande pour la relance européenne face à la crise du coronavirus, 18 mai 2020 (lien)
2 Commission européenne, communiqué de presse, 2 juin 2020, IP/20/977
3 Question parlementaire E-000595/2020, Réponse donnée par la vice-présidente exécutive Mme Vestager au nom de la Commission européenne, 31 mars 2020 (lien)
4 Commission européenne, communiqué de presse, 2 juin 2020, IP/20/977
5 Idem
Auteur :
Lucie MARCHAL