La Belgique est le seul pays européen à s’être doté d’une législation spécifique protégeant les distributeurs concessionnaires exclusifs, la France n’ayant pour sa part aucune loi spécifique réglant le statut de ce type de distributeur.
La loi belge sur les concessions de vente exclusive (Loi du 27 Juillet 1961, intégrée depuis le 31 mai 2014 dans Livre X du Code du Droit Economique) est unique en Europe. Les sociétés étrangères souhaitant passer un accord de distribution avec un distributeur Belge se font souvent surprendre par les mesures de protection prévues dans la législation nationale, notamment en cas de cessation de contrat.
1. Champ d’application de la loi
Le titre 3 du Livre X du Code de droit économique (« CDE »), parfois considéré comme très protecteur des intérêts du concessionnaire, a ceci de particulier qu’il ne régit que les conséquences et modalités d’une résiliation du contrat et ne contient donc aucune disposition qui réglementerait la relation contractuelle dans son ensemble.
Son champ d’application est en outre très limité puisqu’il ne s’appliquera que si l’on est en présence :
- d’un contrat de concession de vente
- exclusive, quasi exclusive ou imposant au concessionnaire des obligations importantes
- conclu pour une durée indéterminée.
La pratique d’une relation permanente et organisée est un élément particulièrement crucial (notion de contrat-cadre). La jurisprudence estime que les éléments suivants sont de nature à démontrer l’existence d’un réel contrat-cadre : la concertation entre les parties sur des questions telles que le prix, la publicité, la promotion de la marque, l’approvisionnement par le producteur du concessionnaire-distributeur et la promotion des produits par ce dernier, …
2. Terminaison
(i) Préavis ou juste indemnité
La résiliation du contrat, en dehors d’un cas de manquement grave, suppose l’octroi d’un « préavis raisonnable » ou, à défaut, le paiement d’une « juste indemnité ».
La loi belge ne contient aucune indication quant au mode de calcul de ce préavis ou de cette juste indemnité. Il précise toutefois que ce délai (ou cette indemnité) ne peut être convenu entre parties au plus tôt qu’après résiliation du contrat, ce qui rend donc nulle toute clause (ou accord) par laquelle la durée du délai de préavis serait précisée dans le contrat lui-même, ou tout autre échange entre parties.
Une fois la résiliation notifiée, elle devient irrévocable, de sorte que le concédant ne pourrait donc plus imposer au concessionnaire d’accepter une prolongation du délai de préavis qui lui fût initialement accordé.
(ii) La durée du préavis raisonnable
La loi belge ne fixe aucune règle applicable en la matière. Différents critères sont toutefois pris en compte par les cours et tribunaux pour déterminer la durée raisonnable du préavis : la durée doit permettre au concessionnaire de (1) pouvoir exécuter ses obligations envers les tiers ; (2) se procurer une source de revenus nets équivalents à celle qu’il a perdue, le cas échéant moyennant reconversion de ses activités ; (3) sans qu’il ne puisse toutefois prétendre retrouver une concession équivalente à celle qu’il a perdu.
A titre d’exemples : l’ancienneté de la relation, l’étendue du territoire concédé, la notoriété de la marque des produits distribués, les frais imposés par le concédant, etc. ;
(iii) L’indemnité compensatoire de préavis
Faute d’un préavis raisonnable, la partie ayant subi la résiliation a droit à une indemnité compensatoire de préavis. On prendra donc en considération soit le bénéfice net généré par l’activité, majoré des frais généraux incompressibles, c’est-à-dire des frais étroitement liés à la concession et que le concessionnaire devra continuer à supporter après résiliation (tels que loyer, charges fixes, etc.) ou, à l’inverse, le bénéfice brut dégagé par l’activité, sous déduction des frais compressibles, c’est-à-dire des frais qui peuvent être immédiatement réduits.
(iv) L’indemnité complémentaire
Elle est indépendante de l’indemnité compensatoire de préavis. Si la concession de vente est résiliée par le concédant pour d’autres motifs que la faute grave du concessionnaire ou si celui-ci met fin au contrat en raison d’une faute grave du concédant, le concessionnaire peut prétendre à une indemnité complémentaire équitable pour :
- la plus-value notable de clientèle apportée par le concessionnaire et qui reste acquise au concédant après la résiliation du contrat ;
- les frais que le concessionnaire a exposés en vue de l’exploitation de la concession et qui profiteraient au concédant après l’expiration du contrat ;
- les dédits que le concessionnaire doit au personnel qu’il est dans l’obligation de licencier, suite à la résiliation de la concession de vente
(v) La reprise du stock
Cette question n’est pas réglée par la loi mais la jurisprudence et la doctrine considèrent généralement que, si le contrat est muet sur ce point, il y a obligation pour le fabricant ou l’importateur de reprendre le stock de produits et de pièces détachées neufs encore en possession du concessionnaire après résiliation.
ATTENTION au caractère transfrontalier du contrat
Afin de garantir l’application des règles belges protégeant le concessionnaire, l’ancienne loi du 27 juillet 1961 a prévu deux règles particulières d’importance, l’une relative à la compétence du juge belge, l’autre relative au droit applicable.
L’article X.39 CDE précise en effet que « le concessionnaire lésé, lors d’une résiliation d’une concession de vente produisant ses effets dans tout ou partie du territoire belge, peut en tout cas assigner le concédant, en Belgique, soit devant le juge de son propre domicile, soit devant le juge du domicile ou du siège du concédant. Dans le cas où le litige est porté devant un tribunal belge, celui-ci appliquera exclusivement la loi belge ».
La portée de cette disposition est cependant limitée sous divers aspects. Tout d’abord cet article, comme les autres dispositions de la loi, ne s’applique qu’aux concessions exclusives, quasi exclusives, ou imposant des obligations importantes au concessionnaire. Il est à cet égard largement admis que l’appréciation de sa compétence territoriale par le juge doit se faire sur base de l’objet de la demande tel que décrit dans la citation et non après avoir procédé préliminairement à la qualification du contrat.
D’autre part, cette disposition ne vise logiquement que les revendications du concessionnaire dont l’action tend à la réparation du dommage résultant exclusivement de la résiliation de la convention.
Auteur :
Nicolas GODIN