En 2017, l’Autorité de la concurrence, à la suite de la réforme de la procédure de transaction, avait retiré son document-cadre de 2012 dans lequel elle précisait les piliers qu’un programme de conformité doit avoir pour être efficace. Ce retrait était concomitant à sa décision sur les revêtements de sols résilients dans lequel elle rappelait pourtant que «
l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de conformité ont vocation à s’insérer dans la gestion courante des entreprises, particulièrement lorsque celles-ci sont de taille conséquente. Les engagements portant sur la mise en œuvre de tels programmes de conformité n’ont par suite, pas vocation, de façon générale, à justifier une atténuation des sanctions encourues au titre des infractions au droit de la concurrence »
1.
La nécessité d’instaurer des programmes de conformité préalablement à toutes poursuites était posée mais le modus operandi avait disparu. Nous devions donc composer avec les lignes directrices des autres autorités nationales de concurrence
2 et de la Commission européenne
3.
Le signal est aujourd’hui clair. La publication imminente d’un nouveau document-cadre sur les programmes de conformité, sur lequel l’Autorité ouvre une consultation publique jusqu’au 10 décembre, démontre la nécessité pour les entreprises et les fédérations de s’équiper, de façon efficace et généralisée, de tels programmes de conformité
4.
LES PRECONISATIONS DE L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE
L’Autorité entend offrir aux entreprises et fédérations un recueil de « bonnes pratiques » sur les objectifs, la définition et la mise en œuvre de programmes de conformité efficaces. Son projet de document-cadre reprend en les précisant les 5 piliers du programme de conformité idéal : (i) un engagement public de l’entreprise, (ii) des relais et experts internes, (iii) information, formation et sensibilisation, (iv) des mécanismes de contrôle et d’alerte, (v) un dispositif de suivi.
Elle insiste pour que le programme de conformité soit «
conçu par et pour l’entreprise : [comme] un projet « sur-mesure », qui doit être adapté aux marchés, aux activités et produits, à l’organisation et la culture interne, ainsi qu’à la chaîne décisionnelle et au mode de gouvernance »
5.
Elle insiste ainsi lourdement sur l’importance pour les entreprises et fédérations de distinguer clairement les programmes « plaqués » et idéaux « sur le papier » pour que celles-ci se dotent d’un dispositif adapté à la situation particulière de l’entité concernée, à la structure du marché dans lequel elle évolue, à ses faiblesses particulières, …
Cette nécessité de la personnalisation donne toute son importance aux analyses qui doivent être menées en amont.
LES RAISONS DE CES PRECONISATIONS
L’Autorité souligne l’intérêt premier des programmes de conformité pour les entreprises et fédérations : prévenir les risques financiers et d’atteinte à la réputation. A cet égard, elle souligne le risque accru créé par la directive ECN+
6, transposée le 26 mai 2021
7, laquelle a rendu le risque financier beaucoup plus important à l’égard des fédération et des entreprises membres (qui peuvent être actionnées en cas d’impécuniosité de la fédération).
Elle souligne également le risque lié aux
demandes de dommages et intérêts, facilitées par la modification du cadre législatif ces dernières années, ainsi que la possibilité pour les personnes physiques d’être condamnées à des peines pouvant aller
jusqu’à quatre ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Enfin, il faut rappeler que la loi DDADUE
8 a considérablement
renforcé les pouvoirs de contrôle et de sanctions de l’Autorité de concurrence, et que cette dernière a adopté en juillet 2021 une
nouvelle méthode de détermination des sanctions très défavorable aux entreprises 9.
PLAN D’ACTION ET METHODOLOGIE
Le message est clair. La réponse doit l’être tout autant dans une approche organisée et méthodique. Pour se protéger et respecter leurs obligations, les entreprises et les fédérations doivent :
- Procéder à une analyse de conformité fondée sur (i) une analyse documentaire, (ii) des auditions de personnes « sensibles » et (iii) le cas échéant une analyse informatique
- Mettre en œuvre un diagnostic de concurrence, sorte de cartographie des risques, permettant à l’entité d’identifier ses risques et ses faiblesses
- Créer un plan d’action (i) spécifique répondant à ces risques et faiblesses et (ii) comportant des directives de conformité applicables en toutes circonstances
- Régulièrement procéder à des « carottages » pour s’assurer de l’efficacité sur la durée des mesures prises. Ces vérifications ex-post permettent une évaluation, point par point, du programme, au moyen d’un code couleur, d’identifier les améliorations à y apporter afin de le rendre plus efficace et de disposer d’une synthèse sur laquelle l’entité concernée peut éventuellement communiquer (sans risquer de divulguer des éléments sensibles ou confidentiels).
L’équipe Concurrence de Fidal a développé une méthodologie d’évaluation, utilisant des outils efficaces de mesure, permettant de s’assurer, de façon pratique (et pas seulement documentaire), de la création d’un dispositif efficace et de son observance, protégeant ainsi de façon optimale l’activité des entreprises et des fédérations.
1 Décision 17-D-20 du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, paragraphe 464.
2 V ; par exemple les lignes directrices de l’autorité italienne de concurrence (AGCM), « Guidelines on antitrust compliance », 25 septembre 2018 ; ou encore les lignes directrices de l’autorité britannique (CMA), « How your business can achieve compliance with competition law », 2011
3 Commission européenne, « Le respect des règles, ça compte! Ce que les entreprises peuvent améliorer pour respecter les règles de l’UE en matière de concurrence », 2 août 2013
4 Le projet de communiqué peut être consulté à l’adresse suivante :
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/conformite_nouveau%20doc_cadre_0.pdf. Les contributions peuvent être communiquées à l’adresse suivante : conformité@autoritedelaconcurrence.fr
5 Autorité de la concurrence, document-cadre du 11 octobre 2021 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence, paragraphe 21.
6 Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, OJ L 11, 14.1.2019, p. 3–33
7 Ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur
8 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
9 V. notre article : Flash News – Concurrence – Révision du communiqué sanctions de l'autorité de la concurrence (
lien).
Auteurs :
Frédéric PUEL
Lucie MARCHAL
Alexandre MARESCAUX