C.J.E.U., 16 septembre 2021, The Software Incubator Ltd c/ Computer Associates (UK) Ltd, affaire C-410/19
En réponse à une question préjudicielle posée par la Cour suprême du Royaume-Uni, la Cour de justice a précisé les contours de la notion d’ « agent commercial ».
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés anglaises au sujet du paiement d’une indemnité à la suite de la rupture du contrat qui les liait.
Computer Associates est une société qui commercialise un logiciel d’automatisation d’applications de services, pour le déploiement et la gestion d’applications à travers un centre de données (ci-après le « logiciel en cause »). Computer Associates octroyait à ses clients, par voie électronique, des licences d’utilisation du logiciel en cause sur un territoire spécifié pour un nombre autorisé d’utilisateurs finaux (licences provisoires ou perpétuelles).
Le 25 mars 2013, Computer Associates a conclu un contrat avec The Software Incubator afin d’approcher, pour son compte, de potentiels clients au Royaume-Uni et en Irlande sans aucun pouvoir de transfert de propriété.
Par une lettre du 9 octobre 2013, Computer Associates a résilié le contrat conclu avec The Software Incubator. The Software Incubator a alors ntroduit un recours en indemnité, sur le fondement des dispositions de la réglementation nationale transposant la directive 86/653, contre Computer Associates devant la High Court of Justice. Computer Associates a contesté la qualification de sa relation avec The Software Incubator de contrat d’agence commerciale en faisant valoir que la fourniture d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation dudit logiciel ne constituait pas une « vente de marchandises », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive.
C’est à cette occasion que la Cour suprême du Royaume-Uni a posé à la Cour la question de savoir si la notion de « vente de marchandises », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.
La Cour rappelle tout d’abord que la directive 86/653 énonce trois conditions nécessaires et suffisantes pour qu’une personne puisse être qualifiée d’« agent commercial ». Premièrement, cette personne doit posséder la qualité d’intermédiaire indépendant. Deuxièmement, elle doit être liée contractuellement de façon permanente au commettant. Troisièmement, elle doit exercer une activité consistant soit à négocier la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.
En l’occurrence, seule la troisième de ces conditions, en ce qu’elle vise la négociation de la « vente de marchandises » pour le commettant, est en cause. À cet égard, il y a lieu de constater que la directive 86/653 ne définit pas la notion de « vente de marchandises » et n’opère aucun renvoi au droit national en ce qui concerne la signification à retenir de cette notion. Par conséquent, eu égard au libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, il y a lieu de considérer que la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel peut relever de la notion de « vente de marchandises », au sens de cette disposition.
En premier lieu, en ce qui concerne le terme « marchandises », selon une jurisprudence de la Cour, par ce terme, il faut entendre les produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de former l’objet de transactions commerciales (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Commission/Grèce, C‑65/05, EU:C:2006:673, point 23 et jurisprudence citée).
D’autre part, la Cour a déjà jugé que, d’un point de vue économique, la vente d’un programme d’ordinateur sur CD-ROM ou sur DVD et la vente d’un tel programme par téléchargement au moyen d’Internet sont similaires, le mode de transmission en ligne étant l’équivalent fonctionnel de la remise d’un support matériel (arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, point 61).
Par conséquent, la Cour considère que la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel peut relever de la notion de « vente de marchandises », au sens de cette disposition.
En second lieu, selon une définition communément admise, la « vente » est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, point 42).
Dans le cas particulier de la vente d’une copie d’un logiciel informatique, la Cour a jugé que la mise à disposition d’une copie d’un logiciel informatique, au moyen d’un téléchargement, et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférente, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, points 45 et 46).
Par conséquent, il y a lieu de considérer que la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel peut relever de la notion de « vente de marchandises », au sens de cette disposition.
Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la notion de « vente de marchandises », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.