En quoi consiste l’abus de dépendance économique ?
Faisant suite à la publication de l’Arrêté Royal modifiant les livres I et IV du Code de droit économique (« CDE »), l’interdiction des abus de dépendance économique est venue s’ajouter à l’interdiction existante des abus de position dominante.
Le CDE définit la notion de « dépendance économique » comme « une position de sujétion d’une entreprise à l’égard d’une ou plusieurs autres entreprises caractérisée par l’absence d’alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables, permettant à celle-ci ou à chacune de celles-ci d’imposer des prestations ou des conditions qui ne pourraient pas être obtenues dans des circonstances normales de marché » (article I.6, 12bis du CDE).
Une telle situation de dépendance peut résulter de divers facteurs et sera évaluée au cas par cas. Une liste non exhaustive d’abus, similaire à celle qui figure à l’article 102 TFUE et à son équivalent belge, l’article IV.2 CDE, fait référence aux types de comportement suivants :
- le refus d’une vente ou d’un achat ;
- l’imposition de conditions de transaction non équitables ou manifestement exagérées ;
- la limitation de la production, de la distribution, des débouchés ou du développement technique sans raison objective;
- le fait d’appliquer à l’égard de partenaires économiques des conditions inégales à des prestations équivalentes;
- ainsi que certaines ventes liées ou groupées.
De son côté, l’entreprise en situation de dépendance économique doit se trouver dans une situation où elle ne dispose pas d’alternative raisonnablement équivalente et disponible dans un délai, à des conditions et à des coûts raisonnables.
D’autres pratiques peuvent également entrer dans le champ d’application de l’interdiction. Bien que les exigences soient différentes, l’ABC et les tribunaux belges devraient ainsi pouvoir s’appuyer sur la jurisprudence existante en matière d’abus de position dominante pour appliquer les nouvelles règles sur l’abus de dépendance économique.
Comment identifier une dépendance économique ?
L’appréciation de la dépendance économique dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels :
- le pouvoir de marché de l’entreprise en position de force ;
- l’importance de la part de l’entreprise en position de force dans le chiffre d’affaires (plus cette part est élevée, plus le risque de dépendance vis-à-vis d’elle augmente) ;
- la technologie ou le savoir-faire détenu par une entreprise en position de force (elle est la seule à pouvoir apporter les produits ou les services dont l’entreprise dépendante a besoin) ;
- la rareté ou la nature périssable d’un produit ;
- l’accès à des ressources ou à des infrastructures essentielles détenues par l’entreprise en position de force ;
- la notoriété forte d’une marque ou la loyauté d’achat des consommateurs vis-à-vis d’une marque ;
- les avantages tels que les rabais, demandés par l'entreprise en position de force, qui ne sont pas accordés aux autres entreprises dans des circonstances similaires;
- la crainte de graves désavantages économiques, de représailles ou de fin de relation contractuelle ;
- le choix délibéré ou contraint de se placer dans une position de dépendance économique.
Dans quelles circonstances la dépendance économique est-elle interdite ?
De nombreuses entreprises collaborent avec des partenaires qui bénéficient d’un pouvoir de marché important, dans des relations de sous-traitance, de franchise, de concession exclusive de vente, de système de distribution, etc. Le fait de tenir une entreprise en position de dépendance économique n’est pas interdit en soi. Seule l’exploitation abusive d’une telle situation qui est susceptible d’affecter la concurrence est interdite.
Ainsi, l’interdiction de l’abus de dépendance économique est subordonnée à trois conditions cumulatives:
- L’existence d’une position de dépendance économique entre entreprises ;
- Un abus de cette position ; et
- Une affectation de la concurrence sur le marché belge ou une partie substantielle de celui-ci.
Quels sont les recours à disposition des entreprises en cas d’abus de dépendance économique
Plainte auprès de l’Autorité belge de la concurrence (« ABC »)
L’ABC a le pouvoir d'imposer des amendes pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel d’une entreprise réalisé sur le marché belge en cas d’abus de sa position de dépendance économique. Ce montant est inférieur à l’amende pour abus de position dominante, pour lequel l’ABC peut imposer des amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise concernée.
L’ABC est compétente pour les abus de dépendance économique commis après l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, qui n’a pas d’effet rétroactif. La violation de cette disposition est désormais considérée comme une nouvelle catégorie d’infraction anticoncurrentielle. Les autorités belges de la concurrence disposent par conséquent des mêmes compétences d’enquête pour sanctionner les abus de dépendance économique que les autres infractions au droit de la concurrence. Par ailleurs, les décisions définitives de l’ABC en matière d’abus de dépendance économique seront également contraignantes pour les cours et tribunaux belges.
Recours en justice devant les tribunaux civils
Le tribunal de l’entreprise peut intervenir pour faire cesser l’abus, après l’avoir constaté (action en cessation – qui ne peut toutefois pas intervenir sur la relation contractuelle proprement dite).
Le tribunal peut aussi indemniser l’entreprise victime des dommages subis, voire annuler les clauses d’un contrat qui sont le résultat de l’abus (action en réparation). Pour cela, vous devrez prendre directement contact avec un avocat.
Auteur :
Nicolas GODIN